Louis Piessat (1904-1989), architecte à Lyon et professeur à l’École des Beaux-arts de cette ville. Il avait été l’élève puis le collaborateur de Tony Garnier (1869-1948), qui fut, au début du XXème siècle un précurseur de l’‘Urbanisme moderne’, qu’il voulait pour l’homme et à son exacte échelle, refusant la copie, et cherchant, dans un esprit d’équilibre et de raison, des volumes qui soient appropriés au béton armé. Il fut secondé dans son travail par son jeune associé Paul-Jean Monnoyeur (né en 1934).
Le monastère a été conçu de façon très classique, ordonné autour d’un cloître ; avec cette particularité qu’il épouse les pentes naturelles du terrain sur cinq niveaux.
Le dessin de l’ensemble est très pur, sans fioriture, sans annexe ; la ligne droite ascétique est maîtresse, mais sans platitude, la monotonie des surfaces étant cassée par de discrètes ruptures de plans. Les masses des divers corps de bâtiments, l’agencement des uns par rapports aux autres, le rythme même des façades produit par la disposition régulière des ouvertures, tout cela concourt à un certain classicisme dans l’harmonie obtenue. L’architecture, à la fois sobre et audacieuse, répond à sa finalité. La qualité des volumes marqués du nombre d’or est vraiment la spécialité de Louis Piessat.
Le matériau utilisé, le béton, l’a été pour des raisons de coût. Il montre, qu’il peut avoir de la grandeur et de l’élan, en dégageant une impression de prière. La parfaite maîtrise, l’équilibre des volumes, le contrôle de la lumière, sont la marque de l’esprit, une réalisation réussie.
L’architecture doit conduire les âmes des réalités visibles vers le Dieu invisible. Dans l’agencement des volumes, l’élévation des âmes est favorisée par une délicate et harmonieuse relation entre l’espace, l’élévation, et les jeux de lumière.
En débouchant sur l’église de Randol, on est impressionné par une masse de béton. L’architecte lui-même demanda de casser un peu cet effet de puissance impénétrable par la plantation d’arbres. Cette haute tour ovale peut être vue aussi comme un phare, ou un vaste encensoir, ou encore un centre de recherche de Dieu.
La nef est un simple rectangle voûté. Elle est éclairée par quinze vitraux et une dizaine de petits, en dalles de verre éclaté, réalisés par Yves Dehais, maître-verrier de Nantes, qui donnent à l’ensemble une lumière tamisée et recueillie. En légère pente pour une meilleure visibilité, la nef s’ouvre sur le chœur des moines par une haute et large arcade taillée dans ce grand cylindre ovale du chœur. C’est l’arc triomphal de l’architecture classique.
Le chœur, là où se tiennent les choristes, en l’occurrence les moines, est un ovale à quatre centres, d’un grand classicisme avec sa rigueur de lignes. Les quatorze piliers du chœur ont un léger fruit qui leur donne grâce et élévation. Leur élan porte la voute à 19 mètres, où ils s’achèvent en de vigoureuses nervures qui rappellent une carène de navire, tout en délimitant au sol un déambulatoire, le promenoir des anges, comme on disait à Cluny, donnant du relief à l’ensemble du volume.
Le haut des murs est percé sur toute la circonférence de soixante-deux fenêtres garnies de vitraux à dominante dorée. Cela donne un ensemble extrêmement lumineux et vivant. La lumière du soleil, changeant perpétuellement de direction et d’inclination selon les jours de l’année et les heures du jour, transforme la blancheur du chœur en un joyeux cadran solaire qui, dans une fête de lumière, fait chanter les volumes et les lignes.
Les soixante-quinze stalles en chêne rouge mettent de la chaleur visuelle dans un ensemble très minéral. Avec les lambris, elles atténuent un peu la réverbération de l’écho qui reste élevé.
L’autel, tourné vers l’Orient, est une œuvre de maître-graveur Jean-Claude Lamborot. Sur son pied sont sculptés des versets de l’Écriture, illustrant chacune des Heures liturgiques, de Matines à Complies : la louange des Heures culmine dans l’Offrande du Saint-Sacrifice de la Messe :
Venite exultemus Donino. Jubilemus Deo salutari nostro. (matines, Ps. 94) ;
Benedictus es, Domine, in firmanento caeli. (laudes, cantique de Daniel 3) ;
Beati immaculati in via. (prime, Ps. 1) ;
Suscipe me secundum eloquium tuum, et vivam. (tierce, Ps. 118) ;
Ad te levavi oculos meos. (sexte, Ps. 122) ;
Quam dulcia faucibus meis eloquia tua, super mel ori meo. (none, Ps. 118)
Magnificat anima mea Dominum. (vêpres, Cantique de la Vierge Marie, Evangile selon saint Luc 2) ;
Qui habitat in adjutorio Altissimi, in protectione Dei caeli commorabitur. (complies, Ps. 90).
La place de l’autel est une disposition très bénédictine que l’on retrouve dans les deux abbatiales majeures de l’Ordre bénédictin, au Mont-Cassin et à Subiaco.
De chaque côté du chœur, deux chapelles. L’une est dédiée à saint Benoît, avec une statue monumentale en cuivre martelé de notre Bienheureux Père, œuvre de l’artiste flamand Coolruyt.
L’autre est dédiée à la Sainte-Famille de Nazareth, avec un autel taillé dans l’ultime pierre d’arkose sortie des carrières de Montpeyroux, carrières d’où furent extraits autrefois les matériaux des églises romanes de Saint-Saturnin, et de Notre-Dame du Port à Clermont-Ferrand. Elle est éclairée d’une fresque de vitraux évoquant les mystères de la Vierge Marie, œuvre majeure du Maître-verrier Yves Dehais.
Une grille en fer forgé ferme le chœur, disant à sa manière : Ici commence la liberté d’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, et de tout son esprit
Dans le prolongement du chœur se trouve la chapelle du Très Saint-Sacrement, avec le tabernacle de la Réserve eucharistique offert par Monseigneur de La Chanonie, surmonté par un Christ de François Biais. Depuis le fond sombre la nef une progression de la lumière conduit le regard jusqu’au lieu de la Présence réelle du Corps du Christ, vrai Dieu et vrai Homme.
Sous le chœur de l’église, la crypte, d’où l’expansion verticale de l’église s’origine comme l’épi de blé dans l’obscure semence, offre sa rafraîchissante pénombre. Comme au niveau supérieur, on retrouve le même jeu de voussures suivant les courbes issues des foyers de l’ellipse, dessinant un espace profondément recueilli. Tout autour dix chapelles, chacune avec un autel dédié à un saint ou à une sainte maître dans la vie contemplative. Comme on peut l’identifier sur les laves émaillées de Jean Jaffreux ornant les autels. Ce sont : le Cœur Immaculé de Marie, saint Joseph et saint Jean-Baptiste, saint Pierre et saint Paul, saint Jean l’Évangéliste et sainte Marie-Madeleine, les saints abbés de Cluny et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, et les saints Anges gardiens. Les croix d’autel sont inspirées de celles de saint Benoît de Vaals, dessinées par Dom Jean van der Laan, les Christ sont de Lambert Rucchi.
Dominant l’ensemble de l’abbatiale, un campanile de 32 mètres avec trois cloches (il y a place pour une quatrième…) : Pierre, sonne le Mi, 1150 kg, 1,22 mètre de diamètre ; bénite en 1825 par Mgr Duvalk de Dampierre, évêque de Clermont. Notre-Dame des Anges, donne un Fa dièse, 765 kg, 1,05 mètre de diamètre ; bénite en 1971 par Dom Jean Roy, abbé de Notre-Dame de Fontgombault. Saint-François de Sales, donne le Sol dièse, 550 kg, 0,95 mètre de diamètre, bénite en 1826 par Mgr Duvalk de Dampierre.
Sous la chambre des cloches, l’oratoire Saint-Gabriel patronne le triple Angélus quotidien.
Le chapitre, est le lieu où la communauté se réunit pour la lecture spirituelle qui précède Complies. C’est un prolongement de l’église. Certaines fonctions liturgiques s’y déroule ou s’y achèvent, et les grands actes de la vie conventuelle y trouvent leur place. C’est là que chaque jour on lit un chapitre de la Règle, d’où son nom de chapitre.
Le réfectoire, comme son nom l’indique, est le lieu où le moine se refait. Il a de la noblesse, en cela il aide les âmes à s’élever au-dessus de la nourriture terrestre. Les proportions sont vastes, il y a de la hauteur, le plafond est voûté ; aux fenêtres, des vitraux, pour donner une atmosphère recueillie.
Le cloître, est, matériellement, une circulation couverte qui réunit tous les bâtiments pour en faire un tout cohérent et familial. Au centre il y a un jardin fermé, symbole du Paradis perdu, ce jardin qu’arrosait un fleuve se divisant en quatre bras, représenté parles quatre corps de bâtiment entourant le cloître (Gn. 2, 4-15) C’est aussi un lieu de prière où l’on fait de nombreuses processions. Il est pavé de pierres blanches d’Hauteville, avec au centre un chemin en pierres plus foncées qui rappelle les coulées de lave chères à l’Auvergne, ponctué de rectangles de serpentine verte marquant un rythme. Pour le plafond, l’architecte a su donner du relief à la suite de caissons dont il est formé. Il s’ouvre sur le paysage par une grande loggia vitrée : lieu de réunion conventuelle, de paix et de douce contemplation.
L’hôtellerie, possède aussi son petit cloître invitant au recueillement, avec sa terrasse surplombant la vallée, et la salle de conférence attenant, son réfectoire aux vingt fenêtres longilignes, inspirées du Mont Saint-Michel, et ses vingt-huit chambres.
L’ensemble des constructions de Randol est imposant. Il a le grand avantage d’avoir été pensé en une seule fois par la même équipe architectes-moines, et d’avoir pu être exécuté dans un mouvement continu. Sa réalisation correspond parfaitement à ce pourquoi il a été conçu. On peut y mener une vie monastique stable. C’est un parfait instrument de contemplation, apte à tremper des âmes contemplatives et à les acheminer vers la sainteté.
Retrouvez l’ensemble des vitraux dans le magnifique ouvrage
« LES VITRAUX DE L’ABBAYE DE RANDOL »
qui vient de paraître aux Éditions de Randol
(à commander sur l’espace librairie)
Les vitraux de Randol sont l’œuvre du maître-verrier nantais Yves Dehais (1924-2013). Élève de l’École des Beaux-Arts de Nantes, il commence sa carrière artistique comme fresquiste, et se fait remarquer par un maître-verrier de Quimper, Le Bihan, qui l’embauche et le forme. Il se met vite à son compte, et est actif à partir de 1949, surtout en Loire-Atlantique et dans l’Ouest (Vendée, Bretagne, Anjou…), utilisant aussi bien la méthode de la dalle de verre (un verre épais enchâssé dans un ciment, c’est le cas de la plupart des vitraux de Randol), que le vitrail classique sous plomb. Il a déjà travaillé sur de nombreux chantiers, parfois importants, comme la Basilique de Saint-Laurent-sur-Sèvres, quand on fait appel à lui pour l’église abbatiale de Randol en 1970, puis pour le réfectoire et la chapelle Saint-Benoît en 1981. En 2009, on lui demandera de compléter son œuvre à Randol par le Christ Pantocrator et la Vierge du chœur, ainsi que le portail du narthex. Ce sera son dernier chantier.
Ce sont ainsi plus de 50 vitraux, répartis principalement dans la nef, la chapelle de la Sainte Famille, la crypte et l’oratoire Saint Benoît, qui vous sont présentés ici. Et la visite commence par l’oratoire Saint Benoît.
Oratoire Saint Benoît
Les vitraux de l’oratoire Saint Benoît illustrent des épisodes de la vie de Saint Benoît (toujours représenté avec une auréole jaune) rapportée par saint Grégoire le Grand, dans son Livre des Dialogues.
Les vitraux de l’oratoire Saint Benoît encadrent l’autel
sur lequel se trouve le tabernacle.
Saint Benoît
en prière avec un moine
Saint Benoît construit
le monastère
du Mont-Cassin (c. VIII)
Tentative d’empoisonnement : sur un signe de croix de Saint Benoît,
la coupe contenant le breuvage mortel se brise
et son contenu se répand à terre (c. III)
Saint Benoît avec le corbeau qui alla jeter au loin
un pain empoisonné offert par un prêtre jaloux (Vie, c. VIII)
Saint Benoît découvre la supercherie du roi Totila,
qui a fait revêtir un de ses gardes des vêtements royaux
pour tromper l’homme de Dieu (c. XIV)
Saint Benoît envoie deux moines
en fondation
et leur donne sa bénédiction (c. XXII)
Quatre des dix chapelles de la crypte sont ornées de vitraux : Saint Paul, Saint Joseph, Saint Jean-Baptiste et Saint Pierre.
Consacrés aux sacrements de l’initiation chrétienne : baptême, confirmation, eucharistie et à la Passion, ils soulignent le lien entre ces trois sacrements par la présence répétée de la Croix, qui sert d’axe à chaque thème.
Les murs de la crypte qui donnent sur l’extérieur
sont percés de 8 fenêtres ornées de vitraux.
Les deux chapelles
de Saint Paul et de Saint Joseph
Chapelle Saint Paul
Le thème de l’Eucharistie y est exprimé de façon symbolique par la
représentation du calice, de l’hostie et de l’épi de blé.
Chapelle Saint Joseph
Vitraux à thème eucharistique, rappelant l’épisode
de la multiplication des pains et des deux poissons.
Chapelle Saint Jean-Baptiste
La coquille, par laquelle on verse l’eau sur la tête des baptisés
(l’eau est aussi représentée ici) rappelle le baptême.
Chapelle Saint Pierre
Les instruments de la Passion :
La Croix, l’échelle, la lance et l’éponge au bout d’une perche.
Chapelle Saint Paul
Le même thème de l’Eucharistie y est exprimé
par la vigne poussant sur le bois de la Croix.
Chapelle Saint Joseph
Vitraux à thème eucharistique, rappelant l’épisode
de la multiplication des pains et des deux poissons.
Chapelle Saint Jean-Baptiste
La Pentecôte, avec la colombe et les langues de feu
font penser à la fois au baptême et à la confirmation.
Chapelle Saint Pierre
Les instruments de la Passion :
La couronne d’épines, les clous et le marteau.
Les vitraux de la Nef
Détail
Texte
Texte
Les vitraux de la chapelle de la Sainte Famille.
C’est une grande fresque qui se déroule de droite à gauche, comme le livre de la Torah, et présente l’histoire du salut, en soulignant la présence de la Vierge Marie.
Les préparations de l’Ancien Testament sont résumées dans le thème traditionnel de l’arbre de Jessé : Jessé, père du roi David, voit en songe la longue suite de ses descendants, formant un arbre généalogique aboutissant au Messie.
Vient ensuite l’épisode de la Présentation de la Vierge Marie au Temple, épisode tiré des récits apocryphes, qui souligne la consécration de Marie au Seigneur, dès son plus jeune âge.
Les scènes suivantes représentent l’Annonciation ; puis la Nativité.
On passe ensuite directement à la Passion, où on retrouve la Vierge Marie, avec l’apôtre saint Jean, au pied de la Croix. Le berger venu adorer l’Enfant-Dieu de la crèche lève les yeux vers la Croix, rappelant ainsi le lien entre les mystères de l’Incarnation et de la Rédemption : c’est le Sauveur venu mourir pour nous qu’on adore dans la crèche. Le moine sur la gauche prend la suite du berger dans la contemplation du berger dans la contemplation de l’œuvre du salut.
Les vitraux du Christ Pantocrator et de la Vierge en majesté, posés en 2009, près de 40 ans plus tard, par le même maître verrier, peuvent être regardés comme le complément de cette fresque de la Sainte Famille : ils rappellent la Résurrection et l’Ascension du Christ, et la glorification de sa Sainte Mère.
Le Christ Pantocrator, qui s’inspire du tympan de Moissac, tenant dans sa main gauche le livre portant l’Alpha et l’Oméga (Apoc. 1, 8), et bénissant de la main droite, est entouré des symboles des 4 Évangélistes : l’ange (saint Matthieu), le lion ‘saint Marc), le taureau (saint Luc) et l’aigle (saint Jean). Deux petits vitraux placés en dessous figurent les prophètes qui lui rendent témoignage.
Le roi David jouant de la cithare
L’arbre de Jessé
La nativité
Vitraux non figuratifs
Le sanctuaire (détail)
Le réfectoire
Le sanctuaire