Enfant du 17ème siècle, Nicolas Barré appartient à une famille de la bourgeoisie marchande d’Amiens. Fils aîné d’une fratrie de quatre sœurs, après des études chez les Jésuites, il choisit d’entrer chez les Minimes où sont déjà un oncle et un cousin ; sa sœur Louise intégrera la branche féminine par la suite. Ému par la misère au sein des familles modestes où les carences de pain et d’éducation étaient vives, il s’efforce de leur venir en aide par la patience et la douceur. Aidé par quelques jeunes filles dans ce souci inlassable de charité auprès de populations défavorisées, il fonde l’Institut des Sœurs de l’Enfant-Jésus puis plus tard, les Sœurs de la Providence à Rouen pour l’éducation gratuite des enfants du peuple. Maître en théologie, il est aussi un célèbre directeur spirituel dans l’esprit de l’Évangile. Il rend son âme à Dieu en 1686. Il est béatifié en 1999.
« Nicolas Barré s’est avancé sur le chemin du retour aux racines profondes de l’être dans sa rencontre avec Dieu. Celui qui s’y aventure est invité à la conversion et à l’intériorité pour creuser en lui le désir d’aimer jusqu’au bout, en mourant à tout ce qui entrave la Caritas que les Minimes ont pour emblème. » (préface de Brigitte Flourez au ‘Cantique spirituel’, œuvre du bienheureux)
Sa fête est le 31 mai.

Des extraits de son abondante correspondance reflètent la qualité du maître spirituel hors pair que fut le bienheureux Nicolas Barré.
+ Imaginez-vous entendre ce grand Maître qui vous adresse les paroles qui suivent :
« Cesse d’être ce que tu es, c’est-à-dire ce petit homme, ce petit esprit, ce petit néant, ce misérable pécheur.
Quitte ces conditions malheureuses, ces biens si limités, si mélangés de mal, de boue et d’imperfections, pour participer à mes trésors et pour être avec moi.
Que toute ta vie ne soit qu’une sortie continuelle de ton Égypte, de tes misères, de tes ténèbres. Entre donc dans ce désert, dans cette solitude d’esprit, de pensées, d’affections, d’inclinations où je t’appelle, pour traiter ensemble seul à seul.
Quand on te demandera ce que tu es venu faire ici, dis : ‘Je suis pour sacrifier au Seigneur’ (cf. Ex 13,17 s.) Dis en toi-même que tu n’y es pas venu, mais qu’on t’y a amené, et que c’est moi qui t’ai mis ici ; et que tu y demeureras tant que bon me semblera ; que tu y feras, que tu y souffriras tout et comme je voudrai ; et par là, tu entreras dans le troisième point que tu dois observer à mon égard, qui est de dépendre de moi comme de ton moteur universel.
Que tu sera heureux de tomber entre mes mains, d’être abandonné à ma conduite, de sentir en toi mon saint et divin gouvernement, de n’agir plus que par moi, que par la confiance, l’amour, l’obéissance, l’abandon, l’éloignement de toute inquiétude et de tout empressement, pour ta vie et tes emplois, pour ta mort, pour ta perfection, et pour tout ce qui te concerne dans le temps et dans l’éternité. Je te ferai goûter ce que c’est que e m’avoir pour moteur et promoteur, et tu seras à moi par ce moyen.
Ferme les yeux ; jette-toi entre mes bras ; n’agis plus que par moi-même et ne sache rien au monde, si ce n’est de m’obéir et de me suivre en tout et pour tout.
Laisse-toi donc prendre, mon cher enfant, et agréger au nombre de ces bénites âmes dont tu peux dire et chanter amoureusement :
‘Dieu domine toujours en elles.
Son Esprit en fait ce qu’Il veut.
En les possédant, Il les meut, comme des esclaves fidèles ;
Une plume permise au vent ne va pont en l’air se mouvant ;
Avec si grande diligence, Dieu se donnant un plein pouvoir
Dans ces âmes sans résistance
Que son seul attrait fait mouvoir.’ »

+ Il faut avoir patience ; il faut faire le moins de mal que vous pourrez. Si vous choppez, si vous heurtez à chaque pas, prenez patience. Tâchez de faire le mieux que vous pourrez, et cela paisiblement et humblement. Pacifiez-vous en tout et partout.
+ Que tout ceci se fasse dans le cœur, entre Dieu et vous, sans jamais en dire rien à personne, en douceur d’esprit, en tranquillité et simplicité de cœur.
+ Ne vous troublez en aucune façon de ces indignités. Soyez donc paisible, aussi tranquille au fond de votre cœur, comme si le tout s’était passé le plus saintement du monde.
+ La simple offrande, et la simple présentation de vous-même devant la majesté sur-adorable de Dieu, en silence extérieur, de tout votre intérieur, c’est-à-dire de vos actes, doit vous suffire.
+ Demeurez en repos, ne craignez pas. Ce sont d’étranges et surprenantes voies que les voies de Dieu : Que ses voies sont incompréhensibles !

+ Acquiescez et recevez la lumière et les ténèbres également de la main de Dieu, de l’ordre de Dieu, de qui tout événement a sa parfaite dépendance.
+ Soyez tout à la fois paisible, fidèle et fort humble. Paisible, en acquiesçant à ce que je vous dis et croyant que c’est Dieu qui se veut familiariser pour lors. Fidèle, à vous laisser conduire à son Saint Esprit, comme une plume se laisse conduire au gré du vient. Humble, en recevant ses inspirations et obéissant à ses attraits, prenant toujours pour guide la grande et unique maîtresse et mère : l’humilité de cœur.
+ Vous savez que l’humilité produit entre autres choses, singulièrement, un grand calme de toutes nos passions et de tout nous-mêmes ; et nous restituant par ce moyen tout entiers à nous-mêmes, nous entrons dans la vraie sagesse, qui est ce qu’il y a au monde de plus actif et de plus tranquille.
C’est une immuable mobilité. C’est un repos actif ; c’est un mouvement et un repos tout ensemble ; et ce mouvement est d’autant plus excellent qu’il est plus tranquille. Cette disposition de l’âme est admirable parce qu’elle nous approche de Dieu, qui est le souverain et le grand objet de l’admiration, et la sagesse même dont il est écrit : Plus que tout mouvement, la Sagesse est mobile.
+ Pensez à servir Dieu en esprit et en vérité.
+ Abandonnez-vous à la foi ; cela se pourra bien mieux connaître, dans le fond et au centre de vous-même par les leçons que vous recevrez de Dieu même, que je ne le puis faire par son mouvement sur le papier.
Les deux vertus, néanmoins, qui sont les plus intéressées en ce rapport à Dieu, comme souverain et comme dernière et éternelle fin dont on jouira dans le paradis, ce sont l’espérance et la charité. Eh bien, que direz-vous après tant de caresses ? Entendez-vous bien Jésus après tant de bienveillance, qui vous adresse ces paroles : « M’aimeras-tu ? »
Amour donc pour amour ; mais tout amour pour tout amour ; pure charité pour pure charité. Courage donc, cher enfant de Dieu, mourez afin de pouvoir vivre ; sortez de vous-même pour entrer en Dieu.
+ Ne faites aucun retour sur vous-même, afin que vous marchiez dans une grande simplicité dans la voie de perfection.
+ Plus nous sommes unis à Dieu, plus aussi recevons-nous de forces d’esprit et d’influence, puisque lui seul en est la source et l’océan.
+ C’est l’œuvre de Dieu auquel on travaille ; et ainsi, bien que l’actuelle présence manque, souvent la véritable y reste. Il demeure en nous je ne sais quelle impression du regard de Dieu, au milieu des emplois les plus capables de dissiper.
+ Quand vous vous sentirez délaissée et désolée, et même tentée de toutes manières, du côté de Dieu qui semble se retirer, du ciel qui se ferme, de l’enfer qui se soulève, des hommes qui persécutent, et de vous-même qui ressentez des révoltes, pour lors, dis-je, entrez dans toutes sortes de joies : Trouvez que tout est joie (Jc 1,2), disait saint Jacques, et sachez que c’est la récompense des grandes âmes.
Donnez-nous une sainte envie de mourir aux objets passants ;
De l’esprit du monde et des sens, pour faire place à votre Vie.
Faites-nous, en vous, trépasser, anéantir, perdre et cesser,
pour agir vous-même en nous-mêmes.