Le temps de Pâque (1)
Février, le temps du Carême
Le temps de Pâques comportait l’autre partie de l’année, du 3 février au 24 août. Et le temps du Carême préparait Pâques. Il faut savoir que pendant de longues décennies et jusqu’à l’aube de la première guerre mondiale, l’année commençait le 25 mars, même dans la vie civile, avec le renouvellement des fermages par exemple. Ainsi la fête de l’Annonciation dominait la seconde période, soit le temps de Pâques. Il est vrai que sans l’Annonciation, il n’y aurait jamais eu Pâques. Le mois de Joseph, donc le mois de mars, préparant cette seconde période.
Les Pâques ça se gagne, disait le prêtre aux Randols. Aussi dès le mois de février on apprends les chants pour préparer le Carême. Mais avant cela on priait les saints de ce mois.
7 février, saint Romuald.
Saint Romuald était comme notre bon saint Antoine du 17 janvier, il n’avait que le Mauvais comme voisin. Son culte était lié à la forêt où il s’était retiré pour prier et faire pénitence. On l’appelle le héros de la pénitence, et l’ange des forêts de Camaldoli.
C’est un des fils du grand patriarche saint Benoît ; fondateur de l’Ordre des Camaldules, et père, après lui, d’une longue postérité. Il eut à souffrir les embûches de Satan et l’envie de la part des hommes ; mais il s’en montrait d’autant plus humble, s’exerçant assidûment aux jeûnes et à la prière. Lorsqu’il se livrait à la contemplation des choses célestes, il répandait d’abondantes larmes ; mais il ne laissait pas d’avoir toujours le visage si joyeux, qu’il réjouissait tous ceux qui le considéraient. Après avoir vécu cent vingt ans, et servi Dieu pendant cent ans par la vie la plus austère, il alla au ciel, l’an du salut mil vingt-sept.
Les marchands de toile du Cantal, les Cantalous, connaissaient saint Romuald et le priaient en famille, pour se protéger contre les esprits du Mauvais. Ce qui est sûr, c’est que les Randols le priaient quand on faisait les coupes de bois par là-haut dans les bois de la Pradat. Car du temps des vieux-vieux des Randols, les hommes allaient en corvée de bois, ils travaillaient mais ne recevaient pas de salaires, seulement du pain et du fromage. On dit que les scieurs de long de la montagne de Thiers qui se louaient dans les Vosges, invoquaient ce saint aussi.
9 février, sainte Apolline.
On priait sainte Apolline contre la désespérance, c’est comme la tristesse c’est mauvais, ça pourrit l’âme si on n’y veille pas. Écoutez le chant de l’alouette qui annonce le printemps, regardez les arbres qui vont bientôt avoir des bourgeons, c’est ça la vie qui reste près de nous, c’est ça le printemps qui revient chaque année.
Ah ! la désespérance est mauvaise conseillère, disait le prêtre, surtout si elle trouve Dame solitude sur son chemin. Surtout veillez bien sur ceux qui vivent seuls, donnez leur des bêtes à soigner, un chat à s’occuper. Ça rend service les chats, ça chasse les souris, mais aussi la tristesse du cœur, dans son ronron le chat sait dire qu’il est là, qu’il vit et qu’on vit tous ensemble au village avec les plantes, avec les fleurs, oui, oui, tout ça a été créé pour nous et de toute éternité.
– Dis-moi Jeannette, qui a appris à l’araignée à tisser sa toile ? – C’est Celui qui conduit tout. –Oui, Dieu seul a pu faire cela, et souvient toi : Dieu seul commande à la vie, Dieu seul commande à la mort.
On disait : À la sainte Apolline, prépare tes lignes, car à la saint Dorothée les truites sont passées. En effet, avant le printemps les grosses truites descendent dans des eaux plus tranquilles pour y pondre leurs œufs, elles vont vers Mirefleurs, dans l’Allier.
22 février, la chaire de saint Pierre.
Le village était divisé en deux quartiers : le quartier d’en-bas qui avait saint Pierre comme patron, et le quartier d’en-haut dont le patron était saint Antoine. Notre grand Saint Pierre, notre patron, c’était la paroisse Saint Pierre de Liozun, dont la fête est le 29 juin. Mais les Randols le fêtaient le 22 février. Comme ils n’avaient d’église, ils auraient aimé mettre une statue de saint Pierre à l’entrée du village. Il y a encore le souvenir d’une statue provenant de l’église de la paroisse de Liozun, présent à l’esprit de quelques habitants d’Olloix, comme il l’était dans la mémoire des Randols.
Les 40 heures de prière
Le samedi avant les Cendres, on allait à la foire à la Sauvagine à Clermont. On y achetait le nécessaire : les pantalons de velours pour les hommes, des grandes ceintures de flanelle qui entouraient le corps, c’est qu’il faisait froid à ce moment-là, la veste de coutil noir. Pour aller à la loue, il faut être propre, avoir des habits solides, ça aussi c’est respecter les autres. Les mamans faisaient les provisions de poisson séché, et rapportaient la morue en provision pour le Carême, car pendant le Carême on ne prenait pas de viande, ni de lard le mercredi, vendredi et samedi. On achetait le sel et on rapportait une petite gâterie aux enfants.
À la foire, on y mangeait les provisions apportées de la maison. Au village, les femmes priaient beaucoup les jours de foire. Pourtant il fallait bien y aller. Il y en avait qui buvaient un peu trop, comme partout en Auvergne. On disait : Ah ! il y en a qui dormiront avec l’âne ce soir, ça voulait dire qu’ils avaient trop bu de vin. Au village, à Randol, un homme ivre dormait à l’écurie, il ne rentrait pas dans sa maison, dans sa famille, souvent on parle n’importe comment et c’est un mauvais exemple pour les enfants. Grand’mère Marie, comme la Mélanie allaient porter la soupe aux hommes seuls, car c’est un bon remède, souvent la soupe et le vin ça fait dormir, et le lendemain on est un autre homme,
Mais le lendemain, à partir de la messe de 10 heures, on fait les 40 heures de prières, sans s’arrêter jusqu’au mardi soir, avant le mercredi des Cendres. Pour les Quarante Heures d’hiver, on priait au village quand il y avait la neige et le mauvais temps, sinon, comme nous n’avions pas d’église, après le travail, deux par deux, comme les hirondelles, les gens allaient prendre leur tour à l’église pour veiller le Saint-Sacrement exposé comme à la Fête-Dieu, et on chantait : Parce Domine, parce populo tuo ; Epargnez Seigneur, épargnez votre peuple que vous avez racheté par votre Sang précieux. C’était le dimanche gras, le lundi et le mardi. Le prêtre disait : Priez pour consoler le Seigneur et la Vierge pour tous les péchés en ces jours de gras, c’était la réparation. On faisait le chemin de croix au Calvaire du Coudê. Et s’il ne faisait pas trop froid les femmes venaient et on priait les Vêpres. Pendant ces trois jours en prenant le relais on disait trois Rosaires par jour en réparation des péchés. On chantait aussi : Stabat Mater dolorosa ; Debout au pied de la croix à laquelle son fils était suspendu, la Mère des douleurs pleurait.. et le Psaume 116 (117) : Laudate Dominum omnes gentes, Laudate eum omnes populi, quoniam confirmata es super nos misericordia ejus, et veritas Domini manet in aeternum ; Louez le Seigneur, toutes les nations, Louez-Le tous les peuples ; car sa miséricorde repose sur nous, et la fidélité du Seigneur demeure à jamais ; et à pleins poumons : Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto.
En même temps, pendant ces trois jours on faisait tout pour faire plaisir à la Vierge, des petites choses comme être de bonne humeur quand on s’est levé du pied gauche, faire l’aumône d’un sourire, et quand le cœur y est, enfin quand c’est bien fait, ça efface les péchés, enfin les petits péchés. Car on peut faire l’aumône sans argent, mes enfants, oui, on peut faire l’aumône avec un sourire. Ou encore ne pas prendre plus de nourriture qu’il ne faut. C’est vrai les enfants se déguisaient un peu avec de vieux habits, se faisaient des masques avec des vieux cartons, mais c’est tout. Ça durait deux heures. Et grand’mère les prenait chez elle pour leur expliquer et les faire prier. On faisait des buges, sorte de beignets cuits dans l’huile pour marquer la fin du temps gras.
Le jeûne.
Pendant le Carême, on faisait le Carême, on ne mangeait pas de viandes, ni d’œufs, et on ne mangeait pas du tout le mercredi des Cendres et le Vendredi Saint jusqu’au Samedi Saint, quand les cloches revenaient de Rome, disaient les gens. On ne mangeait pas pendant un jour et demi, on disait qu’on faisait le jeûne. On disait : Si tu jeûnes, jeûnes en souriant (en étant gai), si non cela ne sert à rien. Et le travail se faisait.
Mais au village je crois qu’il n’y en avait un qui ne respectait pas le jeûne. Même qu’une fois, il avait mis Dieu au défit en mangeant du saucisson et en se montrant aux autres qui baissaient la tête et tournaient les talons, pour montrer que face à des têtes pareilles, il vaut mieux ne rien dire et laisser faire. Mais dans le froid, les vieilles et les femmes disaient le chapelet pour réparer. À celui-là son sabot s’est retourné et il s’est cassé le pied, d’ailleurs il était resté estropié.
Les prières du Carême.
À la prière du soir tous les dimanches de Carême au village de Randol on chantait :
Attende Domine et miserere, Quia peccavimus tibi. 1. Ad te Rex summe, omnium redemptor, Oculos nostros sublevamus flentes, Exaudi, Christe, Supplicantum preces. 2. Dextera Patris, lapis angularis, Via salutis, janua coelestis, Ablue nostri maculas delecti. 3. Rogamus, Deus, tuam majestatem, Auribus sacris gemitus exaudi, Crimina nostra placidus indulge. 4. Tibi fatemus crimina admissa, Contrito corde pandimus occulta, Tua Redemptor, pietas ignoscat. 5. Innocens captus, nec repugnans ductus, Testibus falsis pro impiis damnatus, Quos redemisti, tu conserva, Christe.
Écoutez, Seigneur, et ayez pitié, car nous avons péché contre vous. 1. Roi suprême, Rédempteur de tous, nous élevons vers vous nos yeux baignés de pleurs ; exaucez, ô Christ, vos suppliants. 2. Droite du Père, pierre angulaire, voie du salut, porte du ciel, lavez les taches de nos péchés. 3. Nous prions, ô Dieu, votre majesté ; que votre oreille sacrée écoute nos gémissements ; dans votre indulgence, remettez nos crimes. 4. Nous vous confessons le mal commis ; d’un coeur contrit nous avouons nos fautes secrètes ; ô Rédempteur, que votre bonté pardonne ! 5. O vous l’innocent prisonnier, entraîné par vos ennemis sans résistance, condamné sur de faux témoignages à la mort pour les impies ; conservez, ô Christ, ceux que vous avez rachetés.
De même le mercredi et vendredi soir pendant le Carême, on chantait : Stabat Mater dolorosa / Juxta crucem lacrymosa, / Dum pendebat filius. (à genoux) – Cujus animam gementem, / Contristatam, et dolentem, / Pertransivit gladius.- O quam tristis et afflicta / Fuit illa benedicta / Mater unigeniti !- Quae mœrebat, et dolebat, / Pia Mater dum videbat / Nati pœnas inclyti.- Quis est homo qui non fleret, / Matrem Christi si videret / In tanto supplicio ?- Quis non posset contristari, / Christi Matrem contemplari / Dolentem cum filio? – Pro peccatis suae gentis / Vidit Jesum in tormentis, / Et flagellis subditum. – Vidit suum dulcem natum / Moriendo desolatum, / Dum emisit spiritum. – Eia, Mater, fons amoris, / Me sentire vim doloris / Fac, ut tecum lugeam. – Fac ut ardeat cor meum. / In amando Christum Deum, / Ut sibi complaceam. – Sancta Mater, istud agas, / Crucifixi fige plagas / Cordi meo valide. – Tui nati vulnerati, / Tam dignati pro me pati, / Poenas mecum divide. – Fac me tecum pie flere, / Crucifixo condolere, / Donec ego vixero. / Juxta crucem tecum stare, / Et me tibi sociare / In planctu desidero. – Virgo virginum praeclara, / Mihi jam non sis amara : / Fac me tecum plangere. – Fac ut portem Christi mortem, / Passionis fac consortem, / Et plagas recolere. / Fac me plagis vulnerari, / Fac me cruce inebriari, / Et cruore filii. – Flammis ne urar succensus, / Per te, Virgo, sim defensus, / In die judicii. – Christe, cum sit hinc exire, / Da per Matrem me venire / Ad palmam victoriae. (à genoux, les mains jointes) – Quando corpus morietur, / Fac ut animae donetur / Paradisi gloria. Amen…. (à genoux, les mains jointes).
1 Debout au pied de la croix à laquelle son fils était suspendu, la Mère des douleurs pleurait. 2 Son âme, en proie aux frémissements et à la désolation, fut alors transpercée d’un glaive. 3 Oh ! qu’elle fut triste et affligée, cette Mère bénie d’un fils unique ! 4 Elle gémissait et soupirait, cette tendre Mère, à la vue des angoisses de cet auguste fils.5 Qui pourrait retenir ses larmes, en voyant la Mère du Christ en proie à cet excès de douleur ? 6 Qui pourrait contempler, sans une tristesse profonde, cette Mère du Sauveur souffrant avec son fils ? 7 Elle avait sous les yeux Jésus livré aux tourments, déchiré de coups de fouets pour les péchés de ses frères. 8 Elle voyait ce tendre fils mourant, et sans consolation, jusqu’au dernier soupir. 9 O Mère, ô source d’amour, faites que je sente votre douleur, que je pleure avec vous. 10 Faites que mon cœur aime avec ardeur le Christ mon Dieu, et ne songe qu’à lui plaire. 11 Mère sainte, imprimez profondément dans mon cœur les plaies du Crucifié. 12 Donnez-moi part aux douleurs que votre fils a daigné endurer pour moi. 13 Faites que je pleure de compassion avec vous, que je compatisse à votre Crucifié, tous les jours de ma vie. 14 Mon désir est de demeurer avec vous près de la croix, et de m’associer pour toujours à votre deuil.15 Vierge, la plus noble des vierges, ne me soyez pas sévère ; laissez-moi pleurer avec vous. 16 Que je porte en moi la mort du Christ ; que je partage sa Passion ; que je garde le souvenir des plaies qu’il a souffertes.17 Faites que ses blessures soient miennes ; que je sois enivré de la croix et du sang de votre fils. 18 O Vierge, gardez-moi des feux dévorants ; défendez-moi vous-même au jour du jugement. 19 O Christ, quand il me faudra sortir de cette vie, accordez-moi, par votre Mère, la palme victorieuse. 20 Et lorsque mon corps devra subir la mort, daignez accorder à mon âme la gloire du paradis. Amen.
Le chemin de croix des Randols.
Faire le chemin de croix c’est mettre ses pas dans les pas de Jésus.
Pendant le Carême les femmes et les enfants le faisaient parfois le mercredi et le vendredi, et aussi chaque jour de la semaine Sainte jusqu’au Vendredi Saint.
Pour le chemin de croix on reste toujours debout, mais quand on dit : Jésus meurt sur la croix… Père je remets mon esprit… on s’agenouille les mains jointes, mais là on est déjà revenu au départ. C’est une grand’mère qui disait et racontait le chemin de croix, mais avant le prêtre venait faire le chemin de croix au village. C’est ça apprendre aux gens à prier. Il y a tous les gestes, c’est aussi important que les mots, le corps aussi sait prier, et notre corps c’est là où se trouve notre cœur, notre esprit ; notre corps c’est l’écrin de notre âme. – Oui ? notre âme est dans un écrin, là où on met ce qui est précieux, ce qui est beau.
Venez faire le chemin de croix dans notre beau village, tout ce qui est près de nous, les plantes, les arbres, les rochers, toutes nos bêtes aussi, mais oui, le chien de Nanette, le petit chat, tout ça c’est les créatures de Celui qui conduit tout, tout ça c’est à Dieu et à nous, pour nous aider à vivre, oui, tout ça ! C’est la plus belle de toutes les cathédrales.
Début du chemin de croix :
1ère station : Jésus condamné à mort. On prie : Pater, Ave Maria, Gloria Patri, Amen ; et on chante : Stabat Mater dolorosa / Juxta crucem lacrymosa, / Dum pendebat filius. (à genoux) – Cujus animam gementem, / Contristatam, et dolentem, / Pertransivit gladius.- O quam tristis et afflicta / Fuit illa benedicta / Mater unigeniti !- Debout au pied de la croix à laquelle son fils était suspendu, la Mère des douleurs pleurait. Son âme, en proie aux frémissements et à la désolation, fut alors transpercée d’un glaive. Oh ! qu’elle fut triste et affligée , cette Mère bénie d’un fils unique!
2ème station : Le portement de la Croix. Pater, Ave, Gloria. Amen. Quae mœrebat, et dolebat, / Pia Mater dum videbat / Nati pœnas inclyti.- Elle gémissait et soupirait, cette tendre Mère, à la vue des angoisses de cet auguste fils.
3ème station : Jésus tombe pour la première fois. Pater, Ave, Gloria. Amen. On chante : Quis est homo qui non fleret, / Matrem Christi si videret / In tanto supplicio? –Quis non posset contristari, / Christi Matrem contemplari / Dolentem cum filio ? Qui pourrait retenir ses larmes, en voyant la Mère du Christ en proie à cet excès de douleur ? Qui pourrait contempler, sans une tristesse profonde, cette Mère du Sauveur souffrant avec son fils ?
4ème station : Jésus rencontre sa Mère. Pater, Ave, Gloria. Amen. On chantait, ça c’est beau, écoutez, écoutez : Pro peccatis suae gentis / Vidit Jesum in tormentis, / Et flagellis subditum. – Vidit suum dulcem natum / Moriendo desolatum, / Dum emisit spiritum. – Eia, Mater, fons amoris, / Me sentire vim doloris / Fac, ut tecum lugeam. Elle avait sous les yeux Jésus livré aux tourments, déchiré de coups de fouets pour les péchés de ses frères. Elle voyait ce tendre fils mourant, et sans consolation, jusqu’au dernier soupir. O Mère, ô source d’amour, faites que je sente votre douleur, que je pleure avec vous.
5ème station : Saint Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix. Grand’mère disait : Voyons, mes petits roitelets, ensemble, ce qu’on redit à la dernière heure de la vie : Pater, Ave, Gloria. Amen. – Fac ut ardeat cor meum. / In amando Christum Deum, / Ut sibi complaceam. – Sancta Mater, istud agas, / Crucifixi fige plagas / Cordi meo valide. Faites que mon cœur aime avec ardeur le Christ mon Dieu, et ne songe qu’à lui plaire. Mère sainte, imprimez profondément dans mon cœur les plaies du Crucifié.
6ème station : Sainte Véronique essuie le visage de Jésus. Pater, Ave, Gloria. Amen, et on chantait : 12 [ Tui nati vulnerati, / Tam dignati pro me pati, / Poenas mecum divide. Donnez-moi part aux douleurs que votre fils a daigné endurer pour moi.
7ème station : Jésus tombe pour la deuxième fois. Pater, Ave, Gloria. Amen – 13 Fac me tecum pie flere, / Crucifixo condolere, / Donec ego vixero. / 14 Juxta crucem tecum stare, / Et me tibi sociare / In planctu desidero. 15 Virgo virginum praeclara, / Mihi jam non sis amara : 13 Faites que je pleure de compassion avec vous, que je compatisse à votre Crucifié, tous les jours de ma vie. 14 Mon désir est de demeurer avec vous près de la croix, et de m’associer pour toujours à votre deuil.15 Vierge, la plus noble des vierges, ne me soyez pas sévère ; laissez-moi pleurer avec vous.
8ème station : Jésus rencontre les filles de Jérusalem. Pater, Ave, Gloria. Amen /16 Fac me tecum plangere. Fac ut portem Christi mortem, / Passionis fac consortem, / Et plagas recolere. 16 Que je porte en moi la mort du Christ ; que je partage sa Passion ; que je garde le souvenir des plaies qu’il a souffertes.
9ème station : Jésus est tombé pour la troisième fois. Pater, Ave, Gloria. Amen. 17 Fac me plagis vulnerari, / Fac me cruce inebriari, / Et cruore filii. Faites que ses blessures soient miennes ; que je sois enivré de la croix et du sang de votre fils.. On chantait : Vive Jésus, vive sa croix. Oh ! c’est bien juste qu’on l’aime. Vive Jésus, vive sa croix (2 fois). Puisque pour moi Il est mort sur la croix. Vive Jésus, vive sa croix.
10ème station : Jésus est dépouillé de ses vêtements. Pater, Ave, Gloria. Amen, souvent les hommes venaient là, et priaient, chacun était respectueux, voyez-vous. 18 Flammis ne urar succensus, / Per te, Virgo, sim defensus, / In die judicii. O Vierge, gardez-moi des feux dévorants ; défendez-moi vous-même au jour du jugement
11ème station : Jésus est cloué sur le bois de la Croix. Pater, Ave, Gloria. Amen.
12ème station : Jésus meurt sur la Croix, à genoux, Pater, Ave, Gloria. Amen. 19 Christe, cum sit hinc exire, / Da per Matrem me venire / Ad palmam victoriae. O Christ, quand il me faudra sortir de cette vie, accordez-moi, par votre Mère, la palme victorieuse (à genoux, les mains jointes)
13ème station : Jésus est déposé dans les bras de sa Mère. Pater, Ave, Gloria. Amen. 20 Quando corpus morietur, / Fac ut animae donetur / Paradisi gloria. Amen.… Et lorsque mon corps devra subir la mort, daignez accorder à mon âme la gloire du paradis. Amen.
14ème station : Jésus est mis au tombeau. Puis en silence, les mains jointes, comme pour la prière de la digitale, souvenez-vous mes petits enfants, disait grand’mère : Pater, Ave, Gloria. Amen, et on chante : Vexilla Regis prodeunt… L’étendard du Roi s’avance ; voici briller le mystère de la Croix, sur laquelle Celui qui est la Vie a souffert la mort, et par cette mort nous a donné la vie… ; et à la fin : Crux fidelis inter omnes arbor una nobilis : Nulla silva talem profert, fronde, flore, germine. Dulce lignum, dulces clavos, dulce pondus sustinet. O Croix, en qui j’ai foi, seul arbre illustre entre tous ; nulle forêt n’en produit de tel, pour le feuillage, la fleur, le fruit. Ô doux bois, ô clous bénis, ô le suave fardeau qu’il porte (à genoux, les mains jointes).
Le dimanche de Reminiscere.
2ème dimanche de Carême. On chantait aux Vêpres : Miserere et parce, clementissime Domine, populo tuo ; Quia peccavimus tibi ; Seigneur plein de miséricorde, ayez pitié de votre peuple et pardonnez-lui ; Car nous avons péché contre vous ; et on disait trois fois : Quia peccavimus tibi.
V/. Prosternés, nous versons toutes nos larmes ; nous manifestons Les péchés secrets que nous avons commis ; nous implorons votre pardon, ô Dieu ! R/. Car nous avons péché contre vous.
V/. Acceptez la prière des prêtres ; accordez abondamment tout ce qu’ils demandent ; ayez pitié de votre peuple, Seigneur ! R/. Car nous avons péché contre vous.
V/. Vous avez appesanti votre colère sur nous ; nos cruels péchés nous ont accablés ; nous sommes tombés en défaillance, privés d’espoir ; R/. Car nous avons péché contre vous.
V/. Nous avons été livrés à des malheurs que nous ne connaissions pas, tous les maux ont fondu sur nous ; nous vous avons invoqué, et nous n’avons pas reçu de réponse ; R/. Car nous avons péché contre vous.
V/. A cette heure nous crions tous, nous vous cherchons tous ; nous vous poursuivons avec les larmes de la pénitence, nous avons provoqué la colère de tout le monde ; R/.Car nous avons péché contre vous.
V/. Jésus-Christ,nous vous implorons par nos prières et nos gémissements; prosternés, nousvoussupphons; par votre pouvoir, relevez enfin ces misérables ; R/. Car nous avons péché contre vous.
V/. Recevez la confession de votre peuple, nous la répandons devant vous avec des cris ; nous déplorons du tond du cœur nos iniquités ; R/. Car nous avons péché contre vous.
V/. Nous demandons la paix ; accordez-nous la paix ; écartez la guerre, délivrez-nous tous : nous vous le demandons d’une humble prière, Seigneur ! R/. Car nous avons péché contre vous.
V/. Dieu très clément, inclinez votre oreille ; effacez la tache de nos péchés ; dans votre bonté, sauvez-nous du péril ! R/. Ayez pitié et pardonnez.
Le dimanche de l’Oculi.
3ème dimanche de Carême. On chantait : Oculi mei semper ad Dominum, quia ipse evellet de laqueo pedes meos : respice in me, et miserere mei, quoniam unicus et pauper sum ego. Ps. Ad te, Domine, levavi animam meam : Deus meus, in te confido, non erubescam. Gloria. Oculi. Mes yeux sont toujours vers le Seigneur ; car c’est lui qui dégagera mes pieds des filets qu’on m’a tendus ; regardez-moi, mon Dieu, et ayez pitié de moi : car je suis seul et je suis pauvre. Ps. Vers vous, Seigneur, j’ai élevé mon cœur; c’est en vous, mon Dieu, que je me confie ; je n’aurai point à en rougir. Gloire au Père. Mes yeux.
Le dimanche des roses, Laetare.
C’était au milieu du Carême, le 4ème dimanche. Ce dimanche, chacun avait trois noix en plus et un peu de pain pour encourager, car même pauvre on faisait le Carême. On mettait un bouquet avec les dernières roses de Noël à la Vierge au Cœur Immaculé.
Réjouis-toi, Jérusalem, disait le prêtre, c’est la moitié du Carême, il faut dire sa joie, la joie de Pâques qui approche. C’est beau, tout le monde savait ces belles choses.
Et on chantait : Laetare, Jérusalem ; et conventum facite omnes, qui diligitis eam : gaudete cum laetitia, qui in tristitia fuistis : ut exsultetis et satiemini ab uberibus consolationis vestrae. Ps. Laetatus sum in his quae dicta sunt mihi : In domum Domini ibimus. – Réjouis-toi, Jérusalem, et vous tous qui l’aimez, rassemblez-vous ; unissez-vous à sa joie, vous qui avez été dans la tristesse; tressaillez d’allégresse, rassasiez-vous et soyez consolés dans ses délices. Ps. Je me suis réjoui dans cette parole qui m’a été dite : Nous irons dans la maison du Seigneur. Gloire au Père. Réjouis-toi.
Allez, chantez, mes petits roitelets, disait grand’mère Marie, il faut que tous les petits roitelets chantent ensemble, avec les mêmes mots la Joie : Réjouis-toi, Jérusalem, Laetare, Jerusalem.
Le chemin de Croix des enfants.
Au village on apprenait à l’enfant en grandissant à mettre ses pas dans les pas de ses parents, des vieux, des vieux-vieux Randols, les aînés étant des modèles, mais aussi en se disant : Si vos aînés ont pu faire ce travail, vivre ces événements, la faim, nous, nous devons y arriver aussi, il faut seulement de la volonté et de la conscience ; attention, mais aussi du cœur, disait grand’mère Marie, comme au chemin de Croix, la Vierge, Mère de Jésus, met tout son cœur pour marcher dans les pas de son Fils Jésus.
Oh ! regardez s’il est beau et attentif ce petit oiseau, oui, il est prêt à écouter. Grand’mère Marie préparait les enfants pour la grande fête de Pâques. Venez, mes petits roitelets, il fait assez beau temps pour aller sur la placette sous le Conquaire. Chacun remontait ses chaussettes et nos petits sabots marquaient le pas comme les grands quand ils vont au travail. On nous faisait marcher lentement, ça prépare le corps à la prière.
À la placette, dès que la neige était partie, les hommes mettaient une grande planche, et même deux, posées sur deux grosses pierres, ça faisait comme un petit banc pour s’asseoir. La terre est encore froide, il ne faut pas prendre froid, c’est un devoir de prendre soin de son corps. On pouvait aussi se mettre à genoux sur les planches, en silence, les yeux baissés, les mains jointes, chacun faisait le silence dans son cœur, c’est comme ça qu’on apprend à prier. – Allez, allez, Régis, fait vite un petit coin de ciel bleu dans ton cœur, disons bien vite, tout bas, un Ave Maria, disait grand’mère Marie. Le sourire revenait sur les lèvres de Régis. Il faut toujours chasser la tristesse, c’est un mauvais compagnon, c’est l’ennemi des petits enfants. Voyez, mes petits enfants, c’est le Mauvais qui cherche à mettre la tristesse dans votre cœur, il faut apprendre à reconnaître le Mauvais. Grand’mère Marie voyait que tout allait bien, elle faisait un sourire avant de dire merci à Jésus, à Notre-Dame aussi, il faut toujours remercier, c’est très important.
– Maintenant nous allons nous asseoir bien comme il faut, bien droits, les mains croisées sur nos genoux, humbles comme le perce-neige, avec la simplicité de la petite violette qui commence à pousser. – Et la confiance de la petite hermine, dit Paul qui ne parlait pas souvent. – Bien, bien, très bien, dit grand’mère Marie, écoutez bien, les gestes c’est important, c’est la prière de notre corps, qui est comme un coffret où se cache un trésor et ce trésor est notre âme. Les plus grands qui ont fait leur grande Communion ont reçu le chapelet de communion dans un coffret, parce qu’un chapelet c’est précieux, c’est un objet bien à part qui est fait seulement pour prier. Vous voyez les montagnes bleues là-bas, tout là-bas, on dirait que le ciel touche la terre, c’est une autre région, ça veut dire d’autres montagnes qui sont là où se lève le soleil. C’est un mot nouveau, mais qu’il faut le savoir, car dans les montagnes, c’est comme dans toutes les choses, il y en a qui sont pareilles et différentes. Écoutez bien, mes petits roitelets, nous aussi, nous sommes pareils et différents, il y a les filles et les garçons, il y en a qui sont plus grands et plus petits, on pourrait trouver beaucoup de différences et pourtant nous sommes tous des Randols. – Oui, oui, et même plus, disait Vincent qui comprenait toujours avant les autres, on est tous des créatures. Grand’mère faisait un sourire et disait : Mais vous êtes encore plus que des créatures, mes petits enfants, cherchez bien dans votre tête et dans votre cœur, vous êtes des enfants de Celui qui conduit tout. Quand le prêtre donne le baptême aux tout petits enfants, il en fait en un instant des enfants de Dieu. Enfin c’est pour ça, parce qu’on est enfant de Dieu, que nous allons apprendre à prier le chemin de Croix. Comme les grands nous ferons notre chemin de Croix au Calvaire du Coudê.
Du temps des parents de la Vierge, la plus grande punition pour les hommes c’était de mourir cloué sur une grande croix, on disait : il a été condamné à mort. Condamné, c’est un mot nouveau, mais il faut l’apprendre, le comprendre et savoir le redire. Jésus était né de la Vierge Marie, et était Fils de Dieu, oui, Fils de Celui qui conduit tout. Les méchants ne voulaient pas y croire, pourtant quand on lui demandait : Qui es-tu ? Jésus disait : Je suis le Fils de Dieu. Jésus le disait avec la simplicité de la petite violette, et c’est beau et c’est grand la simplicité, être simple c’est une vertu, et Jésus nous le montre, on dit : Jésus est notre modèle. C’est pour ça qu’il faut vouloir ressembler à Jésus, c’est lui qui nous montre notre chemin et chacun a son chemin. Celui qui conduit tout a tracé ce chemin pour chacun de nous et de toute éternité. Que c’est beau, que c’est grand, mes petits enfants.
C’est le Mauvais qui était dans le cœur des méchants qui ne voulaient pas croire Jésus quand il disait : Oui, je suis le Fils de Dieu. Un jour, le Mauvais dit à Jésus : Si tu es vraiment le Fils de Dieu, monte tout là-haut, sur le toit du temple, c’est là où on allait prier du temps de la Vierge, et saute en bas. Si tu n’es pas mort, on croira que tu es vraiment ce que tu dis, oui, le Fils de Dieu. Mais Jésus est resté humble comme le perce-neige, il ne l’a pas fait, parce qu’il a compris que c’est l’orgueil du Mauvais qui parlait. Jésus qui sait tout a tout de suite reconnu le Mauvais. Ce n’est pas facile de reconnaître le Mauvais, le plus grand ennemi des petits enfants. Le Mauvais, il est comme le vent, on ne le voit pas, et pourtant il existe. Soyons attentifs, mes petits roitelets, disons bien vite un Ave Maria. Le vent on ne le voit pas et pourtant il existe, le vent fait remuer les herbes, ou il fait remuer les branches des arbres, il pousse les nuages noirs, on dit : il y a grand vent, le vent est froid en hiver, le vent est chaud en été, on l’entend quand il souffle. Tout ça c’est pour nous faire saisir ce que c’est que le vent, qu’il existe. Comme les brebis on peut se mettre derrière une haie, à l’abri du vent, on ne sent plus le vent et pourtant il est toujours là, il existe. C’est pareil pour le Mauvais, on ne le voit pas et pourtant il existe, et parfois il est près de nous. C’est important de savoir le reconnaître. Jésus a reconnu tout de suite le Mauvais, qui aurait voulu être plus grand que Jésus, plus fort. On reconnaît le Mauvais dans l’orgueil. Dieu seul commande au soleil parce que Celui qui conduit tout est le maître de toutes choses, de toutes les créatures, disait le prêtre. Mais aussi dans la tristesse, le Mauvais sait se faire petit pour qu’on ne le reconnaisse pas. Quand on sent le Mauvais qui vient près de nous, il faut lui dire, Allez, fais comme le vent. – Qu’est-ce qu’il fait le vent ? dit Régis. – Tous ensemble on disait : le vent il passe, il s’en va plus loin. – Bien, bien mes petits roitelets, prions bien vite trois Ave Maria et chantons : Vive Jésus, vive sa Croix, parce que nous préparons notre chemin de Croix, mais il faut savoir prendre le temps, au bon moment pour faire comprendre et saisir les choses. Nous allons redire le beau chant du chemin de Croix : Vive Jésus, vive sa Croix ; il est bien juste qu’on l’aime, puisqu’en expirant sur la croix Il nous aima plus que lui-même. Jésus est resté humble comme le perce-neige. Mais de nouveau les Mauvais lui ont demandé : Es-tu le Fils de Dieu, le Roi des Juifs ? – Oui, dit Jésus. – Alors tu seras mis à mort, car on ne veut pas de toi.
Du temps de la Révolution, les vieux-vieux des vieux Randols de notre famille savaient que pour punir les gens, on les condamnait à mort. Ça c’est bien difficile, mes petits enfants, ça veut dire qu’on leur enlevait la vie en les tuant avec des fusils. – Comme à la guerre, dit Vincent. – Oui, dit grand’mère, mais du temps des vieux-vieux-vieux et même encore du temps des parents de la Vierge, les condamnés à mort étaient cloués sur une croix, un grand clou dans chaque main, un autre dans les pieds, oui, les bras et mains ouvertes. Tout ça c’est difficile, mes petits roitelets, mais c’est très important, il faut bien le comprendre et le saisir, Jésus est bien mort, comme les autres hommes, sur la croix : Si Jésus n’était pas mort sur la Croix, il n’y aurait pas eu Pâques. Disons bien vite trois Ave Maria et ensemble chantons : Vive Jésus, vive sa croix ; chrétiens, chantons à haute voix : Vive Jésus, vive sa Croix. Pour ce soir, c’est bien, chacun va retourner dans sa maison, en silence.
Souvenons-nous, Jésus avait les bras et les mains ouvertes, cloué sur la Croix parce que les soldats mettaient le clou au milieu de la main contre la Croix.
Le lendemain, les petits roitelets venaient auprès de grand’mère Marie qui bouchait les trous des chaussettes, tout en priant son chapelet. Tous venaient s’asseoir sur les planches autour d’elle. Chantons bien vite mes enfants : Vive Jésus, vive sa Croix, Chrétiens chantons à haute voix : Vive Jésus, vive sa Croix.
Jésus a porté sa Croix jusqu’en haut de la montagne, là-haut on plantait la Croix en terre, puis on attachait chaque condamné sur sa Croix ; ce jour-là il y avait deux autres hommes condamnés à mort en même temps que Jésus. Au bas de la montagne, les soldats se moquaient de Jésus, on le battait avec des bâtons, d’autres disaient : Si tu es Roi alors on va te faire une belle couronne. Vous avez appris ça à l’école, les rois étaient couronnés ; mais pour se moquer de Jésus, les soldats ont fait une couronne avec des branches qui avaient de grosses épines, alors en enfonçant la couronne sur la tête de Jésus pour qu’elle tienne bien, les épines avaient fait saigner le front de Jésus. – Oh ! les méchants, dit Mathilde, on ne doit pas faire ça, il faut les punir aussi. – Prions bien vite, mes petits enfants, joignons nos petites mains bien droites, notre tête légèrement inclinée, comme pour la prière de la digitale, et disons trois Ave Maria de tout notre cœur.
La Vierge, les apôtres suivaient Jésus c’est pour ça que nous savons tout ce qui est arrivé, la Vierge souffrait comme Jésus, son Fils.
La Croix en bois était lourde : Jésus est tombé trois fois, la sueur coulait sur son front, car le chemin était long et dur pour arriver sur la montagne. Jésus priait Celui qui conduit tout, son Père qui est dans les cieux, dans la patrie des Anges. C’est là sur le chemin, sur la Croix, que Jésus a prié le Pater pour la première fois, et depuis tous les chrétiens du pays de la Vierge, mais aussi dans toute la terre, on a prié le Pater. Comme au village, depuis longtemps, les Randols de tous les temps ont donné leur savoir aux plus jeunes, la Vierge, les apôtres qui avaient entendu Jésus prier le Pater pour la première fois ont appris aux autres, aux plus jeunes à le prier. Et c’est comme ça que depuis ce temps-là, sur toute la terre, les chrétiens ont appris à prier le Pater. C’est comme ça, oui mes petits enfants, que les Randols ont appris à prier le Pater. Que c’est grand, que c’est beau, et souvenez-vous, mes petits roitelets, oui, le beau, la beauté sont des choses de Dieu, disait le prêtre. Tous ensemble, mais lentement prions le Pater bien comme il faut, sans nous tromper et écoutons bien aussi quand Jésus sur la Croix a dit : Que votre volonté soit faite. Jésus a dit son Fiat, oui, la Fiat de la Croix et Jésus avait les mains ouvertes clouées sur la Croix.
Que c’est beau, mes petits roitelets, que c’est grand, quand tout le long de sa vie, petits et grands, au Calvaire du Coudê, les Randols disent leur Fiat, comme Jésus a dit son Fiat sur la Croix, les mains ouvertes.
Chantons : Vive Jésus, vive sa Croix, il est bien juste qu’on l’aime, puisqu’en expirant sur la Croix, il aima plus que lui-même. Chrétiens, chantons à haute voix, Vive Jésus, vive sa croix.
La Vierge n’a pas quitté Jésus, elle pleurait comme toutes les mamans font quand leur enfant souffre. La tête de Jésus est tombée sur son épaule, Jésus venait de mourir. Quand la mort est là, on a de la peine, on pleure. – Oh ! oui, dit Marinette. – À son tour la Vierge a dit son Fiat. Elle attendait au pied de la croix pour qu’on lui donne le corps de Jésus. La Vierge a reçu Jésus dans ses bras, les apôtres qui étaient là avec elle l’ont aidée, mais bien vite deux femmes étaient là auprès de la Vierge. C’est le travail des femmes de mettre le corps du défunt comme on dit dans son linceul tout blanc.
Mais Paul, Régis, et toi Marinette, c’est un peu long. Allons tous ensemble faire le tour du Conquaire, dit grand’mère, nous regarderons là-haut sur la montagne, où il y avait le Champ du repos des vieux-vieux-vieux Randols.
Revenus à notre placette, grand’mère dit : Souvenez-vous mes petits roitelets, tout à l’heure je vous disais que deux saintes femmes, on disait comme ça au pays de la Vierge, ici on dit le nom de chacun. Oui, les deux saintes femmes avaient aidé la Vierge à mettre Jésus qu’on appelait le Crucifié, dans son linceul, et deux hommes l’ont porté dans un tombeau tout neuf au Champ du repos qui était tout près. C’était de la pierre là-bas comme c’était là-haut à Liozun dans les vieux-vieux-vieux temps et dessus on mettait une pierre pour fermer la tombe, comme on fait ici avec de la terre, pour que les bêtes ne déragent plus celui qui repose pour toujours au Champ du repos. Du temps des vieux-vieux des Randols, on ne mettait pas de bière (=cercueil) au défunt avant de le mettre dans la tombe comme maintenant. Tout à côté de la petite église, les gens avaient taillé une bière dans le rocher, on déposait le corps du défunt avec son linceul, et on recouvrait avec une grande pierre qu’on enfonçait comme un couvercle, pour que les bêtes ne rentrent pas dans ce qu’on appelait un tombeau.
Voyez-vous, mes petits enfants, tout est simple. C’est comme à Randol, quand la mort est là, les petits enfants sont tous recueillis dans une famille, mais il y a Mélanie et la Virginie qui viennent de suite pour faire la toilette du défunt. On dit : rendre la dignité au corps. Puis elles le placent bien à plat sur son linceul dans sa maison et on prie auprès de défunt, parce que la mort ça fait partie de la vie.
Mais écoutez bien, mes petits enfants, il faut le comprendre, il faut bien saisir les choses : Jésus est bien mort sur la croix, on l’a mis dans son linceul, c’est un défunt, c’est très important de savoir et de dire que Jésus est mort.
La Mère de Jésus avait beaucoup de peine, mais elle a eu beaucoup de joie, parce que, le matin du dimanche de Pâques, il n’y avait plus personne dans le tombeau, Jésus était ressuscité, il avait retrouvé la vie, il marchait, il parlait, il était plein de joie. C’est ça la grande joie de Pâques, voyez-vous mes petits enfants. Chantons : Chrétiens, chantons à haute voix, Vive Jésus, vive sa croix. Disons trois Ave Maria, puis bonne nuit, chacun va retourner dans sa maison en silence et demain vous reviendrez ici, mes petits roitelets, c’est qu’il y a encore beaucoup à dire sur le chemin de croix.
Il faut donner à sa mesure, le trop ne sert à rien, il faut de la mesure en tout. Prier, doit toujours être une joie pour les petits enfants, mais ça s’apprend. Il ne faut pas lasser les petits enfants, il faut leur donner le désir de revenir. La Mélanie dit : Ah ! Marie, tu as beaucoup reçu toi, tes vieux, tes vieux-vieux, les prêtres aussi t’ont donné bonne mesure, mais tu as su le garder et tu sais le redire oui pour tournâ vire, il faut mourir avant.
À la fin du chemin de Croix, on disait un De profondis Domine, et le Libera me Domine. Vous, mes petits roitelets, écoutez bien sagement, ce sera votre prière et vous ferez un beau sourire pour les âmes des défunts ; il faut toujours prier avec confiance pour les âmes des défunts. Souvenez-vous mes petits enfants : Il n’y a que les hommes, les femmes et les enfants qui savent faire un sourire. Oui, disait le prêtre : De toutes les créatures le propre de l’homme est de faire un sourire.